MESRINE Lettre à sa maîtresse

Jacques MESRINE (1936 - 1979), criminel français

Lettre autographe signée à sa maîtresse canadienne Jocelyne Deraiche. Prison de Fresnes (Paris) mercredi 31 août 1977 ; 4 pages in-4° sur deux feuillets agrémentés d'un dessin d'un cœur rouge et de fleurs en haut à gauche de la première page.

Belle et émouvante lettre qui parle d'amour, des conditions difficiles d'incarcération, il évoque sa sortie où elle le rejoindra au bout de la rue : « Mon unique amour..eh oui ! Oh Joyce…quelle magnifique..quelle douce caresse que cette lettre de toi que je viens de recevoir ce soir..si tu savais comme je la ressens - comme j'ai l'impression de t'avoir près de moi en te lisant..Oui petite Canac, en te lisant je constate que tu es devenue encore plus femme..encore plus formidablement femme. Tu me dis, chérie, que tu as relu les lettres du temps de notre séparation..tu ne devrais pas le faire, mon ange..car pourquoi relire ce qui fait mal - Nous étions fous et aveugles en ce temps-là..alors évite ce retour au passé pour ne penser qu'au présent de notre amour. Tu sais petite fille je suis comme toi..je pense énormément à nous..mais je ne veux pas écrire trop souvent..car cela serait une torture pour plusieurs jours, car elle prend encore plus d'importance..Tu vois, petite Canac, très souvent mon cœur te parle au fin fond de ma cellule. Je regarde ta photo..tes photos et je te dis l'amour et plein de choses merveilleuses..je pourrais te les écrire..mais j'attends..et je sais que malgré la distance qui nous sépare..tu sais..tu entends mon cœur qui te parle la nuit. Joyce chérie..je t'aime comment te le dire « mon amour »..oui je t'aime car tu sais me comprendre mieux que personne..mieux qu'avant. Tu vois petite fille de mon cœur j'ai plus de joie à recevoir une lettre de temps en temps..car nous écrire tous les jours serait une très grave erreur..notre amour n'y gagnerait rien..et cet amour il nous faut le protéger contre la lassitude du temps…contre cette terrible épreuve de la séparation..en attendant tu ne dois pas penser à ces mois qui nous éloignent l'un de l'autre..tu dois vivre mon ange..oui vivre..et un jour un homme te fera signe au bout de la rue..tu regarderas surprise ses cheveux argentés..il te tendra les bras..tu t'y jetteras pour y laisser aller ta peine..ses lèvres prendront les tiennes avec la passion qui lui rongera le cœur d'avoir trop attendu ce jour. Il te dira « je suis là mon amour...tu vois que nous avons gagné sur le temps »..il te prendra la main..pour te conduire sur le chemin de la vie en espérant t'offrir tout le bonheur et l'amour que son cœur garde exclusivement pour toi..oui petite Canac. Cet homme..tu penses lui faire confiance. Il n'a jamais manqué un rendez-vous et pour te retrouver il se sait capable de bien des miracles, même si le temps est son principal ennemi. Tu as 25 ans petite chérie tu es très jeune et très belle..alors crois en notre avenir car il est là près de nous..tout simplement parce que je le veux - Tu me demandes ce que je fais. Je reste 22 heures sur 24 dans une cellule. Seul. J'ai droit à une promenade dans une très petite cour grillagée et cela avec deux autres compagnons. En cellule, j'essaie de m'organiser - mais c'est très dur d'arriver à passer une journée valable - car on a plus envie de ne rien faire - Cela fait 4 ans que je vis dans ces conditions. L'isolement, je l'ai eu pendant 3 ans ½ de façon totale ou presque. Il m'arrive de faire des maquettes de voiliers. Parfois j'ai envie de tout casser…Je laisse faire et je me calme. Je prends une de tes photos, je reste à te regarder - à chercher ce qui a été notre bonheur..l'odeur agréable de ta peau, le goût de tes lèvres..mon cœur te parle, mes yeux te parlent. Je regarde mes mains..elles sont vides de toi..elles aimaient pourtant te caresser..alors je serre les dents en me disant que si ma souffrance me broye le cœur…il me faut tenir..car seul les forts survivent à la prison - Et au bout de ma route, il y a une petite québécoise qui a été l'amour de ma vie à l'instant de ma plus grande aventure d'homme - Jamais une photo ne pourra remplacer tes baisers..mais jamais une autre femme..n'a pu te remplacer, car même en 4 ans d'absence. C'est TOI que je désire. Alors je me dis chaque jour qu'il me faut accepter cette souffrance comme la plus dure épreuve de ma vie…car les plus grands bonheurs naissent de très grandes épreuves..peut être que pendant cette longue trop longue absence..je te perdrai un peu..mais le jour du retour..tout redeviendra « nous » alors j'espère en la vie, car elle m'a déjà donné le meilleur de toi. Je t'aime Joyce, car tu n'es pas comme les autres femmes.. « tu es la femme ». Il me suffit de fermer les yeux et de revenir à ce qui avait été notre union pour avoir envie de revivre ces jours heureux. Tu sais mon ange l'amour c'est comme le soleil...un jour il brille et réchauffe, plus que l'autre jour..mais le soleil, lui, sait qu'il se lèvera tous les jours à l'horizon..nous connaitrons peut être la pluie sur notre amour, le vent sur nos sentiments..mais à la finale..au boût de notre horizon « le soleil se lèvera »..car notre amour, c'est notre vie..c'est ma vie.Tu es ma vie « chérie ». Au sujet de l'émission que tu devais faire avec Pierre-Luc. Si tu as fait l'enregistrement sur cassette, tu peux me l'envoyer. J'ai demandé l'autorisation à mon sous/directeur. Tu l'envoies à son nom « Par Avion » avec un mot « pour Mesrine Jacques » l'adresse : (…) Je t'attends avec impatience et je rigole tout seul, car il n'y comprendra rien avec ton bel accent québécoise (sic) mais moi je comprendrai tout. Cela va me faire un plaisir immense d'avoir cette cassette. Voilà petite fille j'espère que ta santé va mieux..soigne toi bien...et pense à ta dent (resic). Mes lèvres sur ta bouche t'offrent mon amour. « C'est fou » de s'aimer..mais c'est merveilleux aussi. Bonne nuit mon ange et n'oublie pas que je t'adore… »